27 octobre 2021

La dénutrition touche particulièrement les seniors. Perte d’appétit, plats inadaptés, solitude ou fatigue sont autant de facteurs qui favorisent cette maladie silencieuse aux conséquences sérieuses. Camille Le Quéré, médecin nutritionniste, donne son éclairage sur le sujet.

Camille Le Quéré, médecin nutrionniste

En France, plus de deux millions de personnes sont dénutries. Parmi elles, environ 400 000 personnes âgées vivant à domicile et 270 000 en Ehpad*. Soit près d’un tiers des résidents en maison de retraite. La dénutrition est un phénomène fréquent, et les effets de la crise sanitaire n’ont probablement pas arrangé la situation.

Mais de quoi parle-t-on ? « La dénutrition survient lorsque l’alimentation est insuffisante pour couvrir les besoins nutritionnels, répond le docteur Camille Le Quéré, nutritionniste. Contrairement aux idées reçues, les personnes âgées ont des besoins protéino-énergétiques supérieurs aux jeunes et aux adultes. Mais ils ont moins d’appétit. La perte du goût et de l’odorat, les maladies, les troubles cognitifs, la dépression, les problèmes bucco-dentaires ou des régimes trop restrictifs – sans sel ni sucre – freinent l’envie de manger ». Concrètement, la dénutrition est diagnostiquée à partir d’une perte de poids supérieure à 5 % en un mois, 10 % en six mois, ou d’un IMC** inférieur à 21.

Loin d’être anecdotiques, ces kilos perdus affaiblissent l’organisme des personnes âgées et les rendent plus vulnérables. La dénutrition entraîne un ensemble de dysfonctionnements en cascade. Les risques de chutes et de fractures sont en hausse, les défenses immunitaires en baisse. C’est un premier pas vers la dépendance. « La prévention et la prise en charge de la dénutrition sont un véritable enjeu de santé publique », confirme la spécialiste.

Mieux identifier les signes de la dénutrition

Pourtant cette maladie silencieuse n’est pas toujours bien détectée. Elle passe parfois au second plan, derrière des pathologies aigües, plus visibles. Il subsiste aussi des difficultés à identifier les signes de la dénutrition chez des résidents déjà fragiles. La personne âgée peut ainsi se sentir fatiguée, mais c’est seulement quand la dénutrition devient sévère que d’autres signes apparaissent. « Dépistée de manière précoce, elle est plus simple à traiter. La surveillance régulière du poids est une mesure simple et efficace de dépistage de la dénutrition », rappelle la spécialiste.
Les gérontologues disposent également d’un test, le Mini Nutritional Assessment (MNA®), qui évalue les risques de dénutrition en fonction des habitudes alimentaires, du mode de vie et du degré d’autonomie. De façon plus informelle, des vêtements qui flottent, une alliance qui ne tient plus au doigt ou un plateau repas à peine entamé sont autant de signaux d’alerte. « Dans les Ehpad, un travail d’équipe allant de l’aide-soignante jusqu’au médecin, en passant par les aidants, facilite la prévention et la prise en charge de la dénutrition », poursuit le docteur
Le Quéré.

Bonnes initiatives en cuisine

Des gestes simples existent aussi pour réduire les risques de dénutrition. Pour Camille Le Quéré,
« il peut s’agir d’augmenter la fréquences des prises alimentaires pour atteindre quatre ou cinq repas par jour, grâce à des collations ». Autre exemple : enrichir l’alimentation avec des produits de base : lait concentré entier, beurre fondu, crème fraîche, pâtes, œufs, semoule, fruits ou encore des compléments alimentaires. « L’activité physique adaptée est également essentielle : alimenter une personne dénutrie ne suffit pas si l’on ne stimule pas le muscle ».  

En cuisine aussi, les bonnes initiatives se multiplient. Des chefs travaillent sur de nouveaux modes de présentation des plats pour redonner l’envie et le plaisir de manger aux anciens,  pour rendre les repas plus agréables. Le « manger mains » illustre également cette impérieuse nécessité de s’adapter aux convives. Cette manière de cuisiner permet en effet aux personnes qui souffrent de déficits cognitifs et ont des difficultés à manier les couverts de retrouver leur autonomie en se servant de leurs doigts pour manger.

Si des marges de progrès sont encore importantes, les mentalités évoluent. La preuve, avec la 4ème édition de la Semaine nationale de la dénutrition, du 7 au 14 novembre qui invite les acteurs de la santé et du secteur social à mener des actions de sensibilisation auprès des résidents, des aidants et des professionnels. 

En savoir plus : www.luttecontreladenutrition.fr

* Société Francophone Nutrition Clinique & Métabolisme (SFNEP)

** Indice de Masse Corporelle

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