Les récents événements ont mis en lumière des questionnements quant aux établissements accueillant des personnes âgées, mais pas seulement. Ils interrogent aussi plus largement la dépendance et la place des aînés dans notre société. Pour Emera, c’est l’occasion de revenir sur un sujet essentiel et fil rouge de ses actions : la confiance.
Valentine Trépied, sociologue, constate depuis cinq ans une évolution de la perception des personnes âgées. Elle nous éclaire sur les représentations sociales des hébergements spécialisés et de la vieillesse.
La perception de la vieillesse
La défiance de l’âge. Un premier enjeu bien ancré dans nos représentations sociales. A l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées le 15 juin dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) revenait notamment sur les problématiques liées à l’âgisme, aujourd’hui considéré comme l’une des priorités parmi les actions à mener sur 2021-2030.
Selon Valentine Trépied, la vieillesse se polarise en effet autour de deux axes : les seniors et la dépendance. « On ne veut surtout pas penser à la dépendance, qui renvoie à des images très négatives selon l’imaginaire collectif ». Un aspect confirmé encore récemment : selon le baromètre Harris Interactive de février 2022 sur la dépendance, pour près de 9 Français sur 10, la prise en charge de la dépendance est une préoccupation. « Cela incarne la déchéance humaine, la solitude… On a cette idée qu’on ne peut plus faire par soi-même alors que nous sommes dans une société qui favorise l’autonomie, la responsabilité individuelle, la performance », ajoute la sociologue qui a mené des travaux de recherches sur l’expérience de vie des personnes âgées et les liens sociaux en Ehpad. Pour elle, cette question tient aussi à l’utilisation du mot « dépendance » lui-même, qui stigmatise une personne vulnérable simplement en comparaison aux normes véhiculées.
Valoriser la personne âgée
L’entrée en Ehpad apparaît rarement comme un choix propre exprimé par le résident. Et pourtant, la réalité peut être toute autre. « On oublie souvent que certaines personnes veulent rester autonomes tout en ayant conscience qu’elles doivent passer le relai aux institutions, explique Valentine Trépied. Elles anticipent alors et font le choix de venir vivre en Ehpad. Le tabou demeure, mais ces personnes trouveront plus facilement une forme de satisfaction, vivront plus sereines et apaisées au sein des établissements. » Lorsque les résidents ne choisissent pas d’y entrer – car ils sont en incapacité ou s’y rendent sur recommandation des proches et du médecin – la vie collective et institutionnelle est par défaut moins satisfaisante pour la personne âgée.
Et pourtant, selon la sociologue, l’une des démarches essentielles pour contribuer au sentiment de confiance est la valorisation identitaire de la personne âgée. En évoquant une connivence d’entre-aide au sein des Ehpad, Valentine Trépied suggère que les interactions avec les résidents seraient d’autant plus valorisantes lorsqu’elles sollicitent leurs ressources : « Se sentir protégées par les personnes qui les accompagnent, quand bien même elles n’ont pas choisi d’être ici, est indispensable. Et au-delà de la protection, c’est aussi une question de reconnaissance sociale. Les résidents ont besoin de se sentir utiles, par exemple en participant au tri du courrier ou aux repas, en mettant le couvert ». Une forme d’encouragement qui participe au lien de confiance.
Une ouverture vers l’extérieur
Pour décristalliser la vision collective des Ehpad, plusieurs solutions mériteraient d’être mises en lumière selon Valentine Trépied. A commencer par une forme de sensibilisation auprès de tous sur le vieillissement : en parler régulièrement, sur le fait de vieillir et sur ses choix futurs, tout au long de la vie, et notamment auprès des enfants.
Faire des Ehpad un lieu de partage où tous les âges se rencontrent serait en outre bénéfique pour impulser une dynamique collective positive sur ces représentations. Et si les établissements spécialisés devenaient des lieux d’échange, le temps d’une activité ou d’un goûter ? Elle souligne justement que l’hébergement temporaire et l’accueil de jour, notamment mis en place au sein du groupe Emera, sont des initiatives permettant d’anticiper des situations et de rassurer quant à la projection sur la vie en collectivité et en institution. « Ici, tout l’enjeu est d’être le plus possible dans une ouverture pour rendre les choses moins taboues. Et nourrir une culture de la prise en compte de la parole des personnes âgées, c’est essentiel pour la confiance ! »
Une autre explication tient à l’influence du discours des politiques sociales quant au maintien à domicile et à la logique de prévention de perte d’autonomie. « Il s’agirait d’axer davantage sur les capacités des résidents et des personnes âgées en général, les faire avant tout participer pour prendre en compte leur propre expérience et s’adapter encore plus à eux », affirme la sociologue en faisant référence à la liberté de parole comme un premier pas vers le renforcement du lien de confiance.
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