Cette année, les longues semaines confinées ont bouleversé le quotidien des résidents en Ehpad. Eloignés de leur famille, isolés les uns des autres, beaucoup se sont sentis esseulés. Emilie Guillaume, psychologue, et Jacques Ferté, psychomotricien, à l’Ehpad du Pré du Lac à Châteauneuf (Alpes-Maritimes) évoquent cette épreuve. Mais aussi les liens renforcés et le plaisir retrouvé d’être ensemble dès les restrictions levées.
Comment définir l’isolement ressenti par beaucoup de résidents en Ehpad au cours du premier confinement ?
Emilie Guillaume : Chaque résident a une définition personnelle de l’isolement au regard de son parcours de vie, sa personnalité, ses besoins. Il s’agit d’ennui pour les uns, de sentiment d’abandon pour les autres. Le point commun est la perte de repères, se sentir isolé de son environnement et des proches qui le composent. Coupés de leur monde, ils peuvent avoir l’impression de ne plus exister.
Jacques Ferté : Certains ont mal vécu d’être bloqués dans leur chambre, ne plus partager les repas ou les activités de groupe, discuter de choses et d’autres. L’isolement est autant physique que moral.
Pourquoi lutter contre l’isolement est-il si essentiel au sein des Ehpad ?
Emilie Guillaume : L’isolement peut avoir des conséquences diverses. Il génère des troubles parfois irréversibles : baisse de moral et d’appétit, trouble du comportement, tristesse, angoisse, agitation, mais aussi dépression, syndrome de glissement, refus de soins ou idées suicidaires.
Jacques Ferté : Au printemps dernier, le confinement a provoqué une rupture dans le rythme quotidien des résidents, une perte de repères. Pour la plupart, cela a impacté leur moral et induit un déséquilibre psychologique. Sans oublier que plus on avance en âge, plus l’adaptation aux situations nouvelles est difficile.
Dans ce contexte, le rôle des proches prend une dimension encore plus essentielle. Quel rôle jouent-ils dans l’état d’esprit des seniors tout au long de l’année ?
Emilie Guillaume : Leur rôle est indispensable. Les professionnels portent une dimension motrice, psychologique, sociale. Mais seules les familles et les proches sont garants de l’aspect affectif. Les résidents ont besoin de savoir que leurs proches sont en bonne santé. C’est aussi un lien avec le monde extérieur.
Jacques Ferté : La suspension des visites familiales a été très dure à vivre. Cette absence leur fait craindre d’être oubliés par leur proches. Du côté des familles, cette situation a généré des sentiments de désarroi, de frustration ou de colère tout à fait compréhensibles. Malgré la conscience du bien-fondé de ces mesures, celle d’assurer la santé de leur proche. Une communication très soutenue entre la résidence et les familles a permis d’y contribuer.
Comment, en tant que psychologue et psychomotricien, avez-vous agi durant cette première vague et comment de manière plus large agissez-vous au quotidien pour lutter contre ce sentiment auprès des résidents en Ehpad ?
Jacques Ferté : Notre rôle consiste à maintenir les liens distendus par le confinement : liens humains et relationnels, avec les familles, avec l’environnement extérieur. Nos interventions avec Emilie Guillaume ont ceci en commun de placer la relation au cœur de notre action, bien davantage que le geste technique. Nous devons établir une relation quoi qu’il arrive, pour repousser ce sentiment de solitude, d’abandon. Cela passe par la parole, la relaxation, le toucher, les sens, la musique, etc.
Emilie Guillaume : Les propositions ont été diverses : aller voir le résident dans sa chambre pour partager un temps « libre », se promener, réaliser des mouvements pour rester actif, entreprendre un suivi psychologique, proposer des ateliers mémoires individuels, mettre à disposition des livrets d’exercices mémoires.
La musique a été un moyen privilégié de créer des moments de plaisir : prendre la guitare et chanter avec le résident dans sa chambre, en petits groupes ou sous leurs fenêtres à l’extérieur. Un programme spécifique, un programme « post-confinement » a été mis en place durant les trois mois du déconfinement pour « réembrayer » sur une dynamique positive, au niveau cognitif, moteur, social en proposant sept ateliers par semaine en plus des activités habituelles.
Des discussions ont eu lieu pour les sensibiliser aux raisons qui ont poussé au confinement. Cela a également permis d’avoir des temps d’expression de leur angoisse, leur lassitude ou à l’inverse leur acceptation.
Des mesures spécifiques de lutte contre l’isolement ont-elles été prises pour les résidents des Unités Alzheimer au sein de la résidence ?
Emilie Guillaume : Pour les résidents des Unités Alzheimer, garder en mémoire la raison des mesures de confinement ou du port du masque s’avère difficile voire impossible du fait de leurs troubles cognitifs. Beaucoup sont déjà désorientés, et ne se rendent pas compte des perturbations liées à l’épidémie de COVID-19.
Donc nos actions et animations ont été globalement identiques entre les secteurs ouverts et fermés. Une attention particulière a tout de même été portée à l’aspect émotionnel, qui devient le mode privilégié d’interaction des personnes présentant des troubles cognitifs avancés.
Quelles séquelles à long-terme pourraient avoir le confinement sur l’état de santé des résidents ?
Jacques Ferté : Ces derniers mois ont été une épreuve pour les résidents, mais aussi pour leurs familles et les personnels. Chaque résident a eu sa propre façon de la gérer en fonction de ses ressources et de ses capacités d’adaptation. Si certains ont réussi à les surmonter sans être affectés durablement, d’autres en revanche sont sujets à des altérations sur les plans de la mobilité, des capacités cognitives et de l’humeur.
Emilie Guillaume : Nous avons en effet constaté certains déclins cognitifs et quelques cas de transferts de résidents en unités protégées. Mais tout n’a pas été négatif : les périodes de confinement successives ont également renforcé les liens entre résidents, avec une prise de conscience du plaisir d’être ensemble.
A l’approche des fêtes de fin d’année, comment prévenir l’isolement et créer du lien en toute sécurité entre les résidents et leur famille ?
Jacques Ferté : Cette période revêt un caractère essentiel pour beaucoup de seniors par sa dimension symbolique familiale. Pour que les familles puissent fêter Noël et le jour de l’An en respectant les mesures de sécurité sanitaire, les repas festifs sont étalés à entre le 18 décembre et le 3 janvier 2021. Par ailleurs, les sorties extérieures aux côtés de leurs proches sont autorisées sous certaines conditions sanitaires – test PCR avant de réintégrer l’établissement et période d’isolement de sept jours, période qui est également suivie d’un nouveau test PCR, conformément aux recommandations en la matière.
Emilie Guillaume : Nous n’avons pas d’appréhension par rapport aux fêtes. Nous resterons vigilants, mais souhaitons qu’il y ait des festivités, une ambiance joyeuse pour finir l’année sur une note positive.
Jacques Ferté : Je chante souvent avec les résidents la chanson de Louis Chedid, « On ne dit jamais aux gens qu’on aime qu’on les aime ». Cette année est d’autant plus importante pour partager un moment avec ses proches et se redire l’essentiel.
Dans chaque établissement Emera, nos équipes se mobilisent pour assurer le bien-être des résidents. Depuis le premier confinement, les moyens de communication entre les résidents et leurs proches ont ainsi été renforcés en proposant des visioconférences mais aussi des échanges d’informations relatives à l’établissement ou encore de photos personnelles grâce à l’application Emera Connect. Pour les fêtes de fin d’année, nous sommes plus que jamais aux côtés des familles pour faire de ce temps un moment festif, d’écoute et de partage.
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