La chute constitue l’un des principaux accidents de la vie chez les personnes âgées. Dans la Vienne, la résidence Emeraudes anime des ateliers hebdomadaires pour apprendre à les éviter.
Avec l’âge, les pertes d’équilibre s’accentuent, pouvant entraîner chutes et blessures. Résultat, une personne de plus de 65 ans sur trois est victime d’une chute accidentelle* à la maison ou en établissement. Tomber au sol constitue la troisième cause d’admission en médecine aiguë et la première cause d’accidents mortels chez les seniors. Chaque année, en France, 9 300 personnes de plus de 65 ans** décèdent des suites d’une chute.
Derrière ces chiffres, une hantise pour les résidents et les familles, comme pour les personnels des Ehpad. Car chuter n’est jamais anodin. Au contraire, ces accidents peuvent engendrer des séquelles physiques (hématomes, tassements, fractures) et psychologiques (perte de confiance en soi, peur d’une récidive, anxiété). Et à plus long terme, les personnes âgées ainsi fragilisées limitent alors leurs activités quotidiennes, se renferment. Le risque de dépendance est réel. Comme le rappelle l’Agence régionale de Santé d’Ile-de-France, le risque de tomber à nouveau dans la même année est multiplié par vingt.
Pour inverser la tendance, la résidence Emeraudes, située à Chauvigny, dans la Vienne, organise chaque semaine depuis le mois de mars 2020 des ateliers de prévention pour « sensibiliser les résidents à la problématique des chutes et surtout leur apprendre à les éviter », détaille Charlène Poli, ergothérapeute en charge du projet.
Jeux video et gymnastique douce
Après un bilan cognitif et moteur individuel destiné à déterminer si les résidents sont
en capacité de participer aux séances, les ateliers se composent de trois phases distinctes.
La première consiste à apprendre à « se relever d’une chute en toute sécurité. Pendant cette session d’une heure, nous aidons les résidents à se mettre au sol afin de leur apprendre les techniques pour se remettre de debout, sans tomber à nouveau », précise l’ergothérapeute.
Deuxième acte du programme : des séances de gymnastique douce. Des exercices complémentaires à ceux proposés par l’association Siel Bleu, qui intervient également dans la résidence Emeraudes pour des activités de sport adapté.
Pour la troisième et dernière étape de ce dispositif, place aux jeux vidéo ! « Nous avons installé Médimoov, une plateforme de rééducation fonctionnelle et posturale adaptée à la prévention des chutes. La console permet d’utiliser des jeux interactifs spécifiquement conçus pour renforcer les muscles et stimuler l’équilibre de façon ludique chez les personnes âgées ou en perte d’autonomie », décrypte Charlène Poli.
Pas besoin de manipuler une manette, une caméra capture les mouvements des participants. Ces derniers ont le choix entre plusieurs animations : se baisser pour cueillir des fleurs, parcourir la mer ou les cieux, préparer des recettes de cuisine, dessiner des estampes japonaises à l’encre virtuelle… Qu’ils soient alités, en fauteuil roulant ou debout, il existe un module adapté à chaque « joueur ». En groupe, les séances sont aussi l’occasion de partager un moment de convivialité. « Passer par le jeu vidéo les amuse et les motive en même temps », confirme Charlène Poli.
Les trois phases des ateliers sont organisées chaque semaine. Les résidents s’inscrivent à celles de leur choix. Les sessions sont ouvertes à tous, qu’ils souffrent ou non de troubles cognitifs peu sévères. Originalité du programme, il est aussi ouvert aux habitants âgés de Chauvigny qui vivent à leur domicile. « Notre volonté est de nous ouvrir sur l’extérieur, de favoriser les rencontres, les échanges. Quatorze personnes hors de la résidence se sont jointes à nous en 2020. Malheureusement, les protocoles sanitaires ont freiné cette dynamique d’ouverture », constate avec regret Charlène Poli.
Reprendre confiance en soi
Les objectifs des ateliers sont nombreux, essentiels : gagner en endurance, travailler sa souplesse, renforcer ses muscles, aiguiser ses réflexes, améliorer son équilibre, se relever en toute sécurité. Loin d’une liste à la Prévert, ces aptitudes sont autant de moyens de prévenir et diminuer les risques de chutes. « Les participants nous confient avoir moins peur de tomber. Surtout, ils reprennent confiance en eux, confiance en leur corps », complète l’ergothérapeute, aux premières loges pour constater les effets positifs de ces séances. Un travail qui prend encore plus d’importance aux lendemains des confinements répétés, « car ils ont accéléré la fonte musculaire des résidents, et donc multiplié les risques de tomber ».
Un an après leur lancement – et malgré les inévitables interruptions liées à la gestion de l’épidémie de Covid-19 – les ateliers rencontrent un vrai succès et portent leurs fruits.
« Les séances me font beaucoup de bien, raconte Micheline, 87 ans. Lors d’une partie de jeu vidéo, je bouge et plie les genoux, je me baisse pour cueillir les fleurs. Je me déplace de droite à gauche pour toucher les arbres. » Habituée des séances hebdomadaires, l’octogénaire estime « se sentir plus à l’aise, plus souple. J’ai moins peur de tomber ».
Même écho du côté des autres participants. Mission accomplie, donc. En toute logique, les ateliers de prévention des chutes devraient se poursuivre à l’Ehpad Emeraudes. De bon augure : car selon l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, la mise en œuvre d’un programme dédié se traduit par une diminution de 30 % des chutes graves dans les établissements spécialisés.
* « Accidents de la vie courante : Comment aménager sa maison pour éviter les chutes ? ». Inpes. Ministère de la santé.
** Santé Publique France – novembre 2019
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